La ministre de la Santé et des Solidarités, Mme Agnès Buzyn, a annoncé à l’occasion des Rencontres RARE 2019, à Paris, le doublement des « pré-indications » dans le champ des maladies rares ouvrant droit à l’accès aux plateformes nationales de séquençage génomique à très haut débit SeqOIA et AURAGen. Voici son discours :
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les professionnels de santé et de recherche,
Mesdames et Messieurs les représentants des patients et de leur famille,
Mesdames, Messieurs,
Améliorer les connaissances, la prise en charge et la qualité de vie des 3 millions de personnes atteintes de maladies rares, c’est l’objectif que nous nous sommes fixés il y a plus d’un an, en construisant le troisième plan national maladies rares.
Avec Frédérique Vidal, nous avons voulu tirer profit des innovations technologiques pour surmonter les impasses diagnostiques et thérapeutiques qui sont toujours synonymes d’impuissance de la médecine et donc, de détresse des patients et des familles.
Tenir compte de cette détresse, c’est aussi mieux accompagner les patients non seulement dans le parcours médical, mais également dans le parcours de vie.
Sur ce point, la stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants lancée par le Premier ministre fin octobre, et que je porte avec Sophie CLUZEL, doit permettre d’atteindre les objectifs du plan maladies rares, en ciblant de manière très concrète la vie des malades et de leurs proches.
400 millions d’euros sur les 3 prochaines années ont été annoncés pour :
• rompre l’isolement des aidants au quotidien ;
• pour leur permettre de conserver une activité professionnelle en bénéficiant de l’allocation journalière de présence parentale de façon fractionnée par demi-journée ;
• pour ouvrir de nouveaux droits sociaux tels que le congé proche aidant indemnisé ou encore pour développer les solutions de répit.
Je tenais à évoquer cette stratégie parce que quand on parle de maladies rares, on parle bien entendu d’abord des malades, mais on parle aussi de parents, d’enfants, et de tous ceux dont la vie n’est plus tout à fait la même dès lors que la maladie apparaît.
Un an après le lancement du troisième plan national maladies rares, nous pouvons faire un premier bilan.
Le rapport annuel du comité stratégique sera mis en ligne dans les prochains jours et nous pouvons d’ores et déjà en être fiers.
J’en profite pour remercier très chaleureusement les deux vices présidents du comité opérationnel du plan, les Professeurs POUGET et TOURNIER-LASSERVE.
Je pense aussi à l’ensemble des membres des différents comités, dont certains sont présents aujourd’hui, et aux services du ministère des solidarités et de la santé et du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui ont remarquablement assuré le suivi.
Parmi les réalisations auxquelles, vous, associations, professionnels de santé, pouvoirs publics, industriels, avez contribué, j’insisterai sur 3 points :
• les efforts de structuration d’abord ;
• les travaux pour réduire l’errance diagnostique ensuite,
• et enfin, les avancées en matière de recherche et d’accès à l’innovation, qui se conçoivent à l’échelle nationale mais surtout européenne et internationale.
Les efforts de structuration
Le choix que nous avons fait en matière de structuration, c’est de donner la priorité aux filières de santé maladies rares pour coordonner les actions de chacun et éviter la dispersion d’énergie(s).
Équipes de soins, équipes médico-sociales et éducatives, équipes de dépistage et de recherche, partenaires associatifs, réseaux européens de référence, les acteurs sont très nombreux et la bonne coordination est primordiale dans l’accompagnement.
Je pense ici tout particulièrement à certaines étapes-clés comme l’annonce du diagnostic ou la transition de l’adolescence à l’âge adulte.
La deuxième campagne de labellisation des filières de santé maladies rares a été engagée en septembre 2018 et les filières ont eu leur premier comité de pilotage en juillet dernier.
Cette labellisation fait suite à celle des centres de référence maladies rares, menée au cours de l’année 2017 et qui était l’aboutissement du précédent plan.
Forte d’un financement de près de 65 millions d’euros sur 5 ans, cette labellisation est l’une des premières actions du troisième plan national maladies rares et elle est fondatrice de beaucoup d’autres actions.
Je pense par exemple à la définition des indications pour une analyse du génome, à l’organisation des Réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) d’amont et à la formation des professionnels, qui sont portées par les filières en lien également avec le plan France Médecine Génomique.
Depuis le printemps 2019, quatre autres appels à projets ont été lancés.
Ces projets ont vocation à harmoniser les parcours de diagnostic et les prises en charge à travers les Protocoles Nationaux de Diagnostic et de soins.
Ils doivent aussi permettre de coordonner les acteurs sur les territoires par des plateformes d’expertise maladies rares, avec 4 projets en outre-mer, et de placer la personne malade au cœur des parcours de soins en soutenant des Programmes d’Education Thérapeutique du Patient.
L’ensemble de ces appels mobilise près de 7 millions d’euros pour l’année 2019.
Nous poursuivons de cette manière l’incroyable dynamique de structuration des forces dans le champ des maladies rares, qui fait de la France une nation de premier plan en Europe en matière de qualité des soins et de performance de la recherche.
Parce que c’est un fait : en 2019, la France a renforcé sa place de leader au sein de la politique européenne, en coordonnant 3 réseaux européens de référence maladies rares supplémentaires, ce qui porte à 8 depuis mars 2019 les réseaux coordonnés par la France sur les 24 réseaux européens existants.
Il faut saluer les centres hospitalo-universitaires qui font la démarche, depuis des années, de soutenir avec l’aide des pouvoirs publics, cette expertise dans les centres maladies rares.
Je sais que cela nécessite des investissements constants pour que les malades bénéficient des meilleurs soins.
Mais ces efforts sont essentiels ! Et ma conviction profonde, c’est que prendre en charge un malade atteint d’une pathologie rare et grave, c’est la vocation et c’est toute l’âme des CHU.
Ainsi je tiens à ce que les financements spécifiques des missions de recours des CHU, tels que les maladies rares soit consolidé.
Réduire l’errance diagnostique
J’en viens aux travaux qui visent à réduire l’errance diagnostique. Je rappelle ces chiffres : la moitié des malades atteints de maladies rares n’ont pas de diagnostic précis.
Le temps moyen entre les premiers symptômes et le diagnostic est de 18 mois et il est trop souvent de plusieurs années.
Nous le savons, l’errance diagnostique aboutit à une perte de chance intolérable.
Information, formation, dépistage, outils diagnostique, connaissances, ce sont tous les leviers que le plan doit mobiliser.
Les filières ont donc reçu des financements dès cette année pour améliorer les parcours et pour développer les réunions de concertations pluridisciplinaires afin de sécuriser les diagnostics.
Cette mesure soutient aussi la mise en place des RCP d’amont et d’aval vers les plateformes de séquençage haut débit du Plan France Médecine Génomique 2025.
Avec le Plan France Médecine Génomique 2025, je rappelle que la France se dote d’un dispositif d’analyse génomique sécurisé conçu d’emblée pour être intégré aux soins.
Il aura fallu 4 ans pour que les premiers échantillons de malades soient envoyés et analysés sur les 2 premières plateformes. C’est évidemment long, trop long. Mais vous avez suivi leur mise en place et nous avons tous beaucoup appris.
Les deux plateformes AURAGEN et SEQOIA sont devenues opérationnelles courant juillet.
Depuis mars 2019, ces deux plateformes s’articulent avec les filières maladies rares pour organiser le parcours de soin propre à chaque pré-indication d’analyse génomique.
14 pré-indications ont ainsi été validées dont 9 pour des maladies rares. Le nombre de ces pré-indications va s’étendre, et je m’y engage.
Il devrait être possible de les doubler d’ici la fin de l’année dans le champ des maladies rares, en s’appuyant notamment sur l’expérience britannique.
L’équipe de pilotage du plan France Médecine Génomique modélise la montée en charge du dispositif, en fonction du développement des indications et de la courbe d’apprentissage des organisations, pour déterminer le nombre de nouvelles plateformes nécessaires à court terme.
Ces plateformes devront être capables de prendre en charge l’intégralité des pré-indications et à plus long terme des indications validées par la Haute autorité de santé.
Enfin, le plan ne prendra toute sa dimension qu’avec la mise en place du Collecteur analyseur de données. Ce collecteur constituera une base de connaissance unique.
Une évaluation du projet final est en cours par le secrétariat général pour l’investissement et des experts internationaux s’agissant d’un financement du PIA.
Le Plan France Génomique 2025 est un projet crucial pour l’avenir mais il faut être lucide : c’est un investissement de long terme.
Pour lutter contre les pertes de chances, il nous faut aussi renforcer rapidement les dépistages néonataux.
Ici il ne s’agit pas de réduire l’errance diagnostique face à une maladie difficile à caractériser mais de dépister sur l’ensemble des nouveau-nés qui sont asymptomatiques, certaines pathologies pour lesquels un test fiable existe et dont la prise en charge précoce apporte un bénéfice prouvé.
Le dépistage néonatal est un enjeu majeur en matière de prévention secondaire de certaines maladies rares, dont les conséquences peuvent être graves, voire létales ou génératrices de handicaps sévères.
Force est de constater que la France, autrefois pionnière, a pris du retard avec seulement cinq maladies dépistées par prélèvement d’une goutte de sang au talon, auxquelles s’ajoute le dépistage de la surdité.
Nous avons réaffirmé cette priorité en travaillant avec l’ensemble des parties concernées, pour structurer davantage cette activité et mieux répondre aux besoins de la population.
Depuis 2018, le dépistage néonatal est organisé par les centres régionaux de dépistage néonatal qui relèvent du pilotage des ARS. Des investissements dans des équipements performants vont nous permettre d’augmenter le nombre de maladies dépistées.
Le déploiement effectif du dépistage du déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne (MCAD) est prévu au premier trimestre 2020. Près de 3 millions d’euros ont été délégués cette année pour financer des spectromètres de masse au titre de ce nouveau dépistage.
La Haute autorité de santé est également saisie pour étendre les indications. Elle rendra d’ici la fin de l’année un avis sur le dépistage du déficit immunitaire combiné sévère (DICS) et d’autres erreurs innées du métabolisme (EIM), ainsi que sur l’extension du dépistage de la drépanocytose à la métropole.
Lors de la lecture du projet de loi bioéthique à l’Assemblée Nationale, certains parlementaires souhaitaient inclure dans le dépistage néonatal des tests génétiques en première intention.
Je comprends les préoccupations exprimées et les espoirs que font naître les moyens de dépistage.
Aujourd’hui nous n’avons pas de certitude sur le fait que des dépistages par test génétique en première intention répondraient aux critères de pertinence des programmes nationaux de dépistage en population générale.
Et cette absence de certitude s’explique aussi par des questionnements éthiques de premier plan, relatifs à la sensibilité des données génétiques et qui appellent à la prudence.
Il reviendra donc à la HAS d’évaluer le recours à des examens génétiques dans le cadre de sa mission réglementaire et dans le cadre méthodologique actualisé qu’elle aura défini.
Nous avançons dans un cadre protecteur et comme tout programme de dépistage, le programme de dépistage néonatal, fait l’objet d’arrêtés pris après avis de la HAS.
Recherche et innovation
Enfin, nous n’oublions pas que la majorité des maladies rares sont orphelines de traitement et que la recherche est une nécessité absolue. C’est le thème de vos rencontres.
Des efforts de structuration et de coordination ont été menés entre les deux ministères et avec toute la communauté des maladies rares, pour accélérer le développement des connaissances, l’évaluation de nouvelles stratégies de prise en charge et la recherche au niveau européen avec le lancement en janvier 2019 de l’European Joint Program maladies rares.
Comme vous le savez, ce programme regroupe des activités de financement de la recherche, une plateforme d’échange de données et de services, des formations, l’aide à la valorisation de la recherche sur les maladies rares et le soutien à la mise en place des essais cliniques.
Le premier appel à projet transnational conjoint de l’EJP maladies rares a été lancé.
Les projets intégrant des partenaires français seront financés par l’Agence Nationale de la recherche à hauteur de 3 M€. Les résultats seront connus prochainement.
Autre engagement tenu en 2019, un budget supplémentaire de 2M€/an sur 5 ans a été consacré par l’ANR aux recherches translationnelles sur les Maladies rares.
Cet engagement a permis le soutien de 13 projets cette année, soit quatre de plus qu’en 2018.
Le plan national maladies rares avait également annoncé un programme de recherche sur les impasses diagnostiques. Il est en cours de cadrage, coordonné par l’Inserm et ce programme soulève déjà, et c’est bien légitime, de nombreux espoirs.
Une autre initiative concerne le partage des données pour renforcer la recherche, l’émergence et l’accès à l’innovation, par la création d’entrepôts de données pour les maladies rares de qualité, interopérables et réutilisables.
L’entrepôt des données de santé de la Banque Nationale de Données Maladies Rares vient tout juste d’être autorisé par la CNIL c’était le 5 septembre dernier.
Cet entrepôt contiendra notamment les données précieuses d’observations cliniques. Le projet sera accompagné par le Health Data Hub et fera le lien avec le Système national des Données de Santé (SNDS).
Ainsi, l’ambition du plan national maladies rares en termes de recherche doit nous inspirer dans nos travaux sur la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche.
Pour des thématiques précises, on voit bien la force d’une approche intégrée de la recherche fondamentale à la recherche épidémiologique et l’importance des synergies de nos efforts avec les démarches européennes.
Enfin, vous pouvez compter sur mon engagement pour promouvoir encore et toujours l’accès aux traitements innovants.
Je tiens à rappeler que les patients français bénéficient d’un large accès aux nouvelles thérapies, qui leur sont par ailleurs accessibles à un stade précoce grâce au dispositif des autorisations temporaires d’utilisation.
Mais nous irons plus loin.
Le Ministère des Solidarités et de la Santé a engagé des travaux depuis juillet avec la Haute Autorité de Santé et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, en vue de proposer des aménagements au dispositif des autorisations et des recommandations temporaires d’utilisation.
En effet, il faut pouvoir prendre en considération les difficultés, de présumer d’un rapport bénéfice/risque favorable lorsqu’un médicament est prescrit pour une maladie rare, du fait de l’insuffisance des données disponibles.
Ces aménagements aux dispositifs des ATU et des RTU seront réfléchis au regard de la nouvelle mission donnée aux filières maladies rares de mettre en place des observatoires des traitements.
J’avais toute confiance, avec Frédérique Vidal, que nous saurions collectivement nous saisir de ce nouveau souffle apporté par le 3e plan national maladies rares.
Cette première année de réalisations nous donne raison.
Le programme de vos rencontres résonne avec les grandes priorités du plan et lancent ainsi une deuxième année de mise en œuvre.
Les espoirs sont grands et ils peuvent l’être, parce que nos engagements le sont aussi.
Je vous souhaite de belles rencontres.